Le système de santé à un tournant
Crises successives, tensions sur les urgences, explosion des maladies chroniques… Ces dernières années ont mis à nu les limites d’un système de santé fragmenté, souvent centré sur le soin curatif et l’hôpital.
Mais un nouveau cap se dessine. Celui d’une responsabilité populationnelle : organiser, prévenir, coordonner et piloter pour répondre aux besoins réels de la population, de manière proactive.
Un modèle qui ne se décrète pas, mais qui se co-construit avec les acteurs du territoire, sur un socle numérique solide, des gouvernances partagées et des indicateurs concrets.
Ce que nous montre l’international
Le voyage d’étude HIMSS 2025 l’a confirmé : des pays comme les États-Unis, les Pays-Bas ou encore la Suisse ont déjà engagé cette bascule.
Chez Intermountain Health (USA), un système intégré à but non lucratif, la coordination des soins est adossée à un système d’information unifié (Epic), une gouvernance unique et un pilotage par la donnée. Résultat : un réseau cohérent du domicile à l’hôpital, une orientation fine des ressources, et une prise en charge globale des patients chroniques.
À Healthix (New York) ou dans le réseau VZVZ (Pays-Bas), les plateformes d’échange d’informations de santé (HIE) sont déployées à l’échelle régionale ou nationale, interconnectant les acteurs publics et privés pour assurer la continuité des soins.
En France, une dynamique encore expérimentale mais prometteuse
Le modèle français de Responsabilité Populationnelle (RP), porté par la FHF et expérimenté sur plusieurs territoires pilotes, montre que l’adaptation est non seulement possible, mais déjà en marche.
Parmi les projets inspirants :
MayvilleHop
Parmi les initiatives françaises les plus structurantes, MayvilleHop illustre concrètement ce que peut être une coordination territoriale réussie. Porté par un partenariat étroit entre hôpital, ville et médico-social, le projet cible deux pathologies chroniques – le diabète de type 2 et l’insuffisance cardiaque – avec une approche proactive : repérage des fragilités, plans personnalisés de soins, outils de suivi partagés, coordination renforcée. Cette logique de parcours s’appuie sur une gouvernance locale, des données partagées et une implication continue des professionnels.
Les premiers résultats sont prometteurs : baisse des hospitalisations non programmées, amélioration du suivi en ville, renforcement des échanges entre acteurs. MayvilleHop démontre qu’en réunissant outils numériques adaptés et intelligence collective territoriale, la responsabilité populationnelle devient non seulement possible… mais opérationnelle.
Une transformation numérique… au service d’une transformation systémique
Derrière tous ces projets, une constante :
l’interopérabilité. Mais en France, elle reste encore inaboutie.
- Des outils multiples, non compatibles.
- Un codage souvent partiel (notamment en ville).
- L’absence de standards opposables (à l’image du FHIR aux États-Unis).
Or, la coordination repose sur la capacité à partager en temps réel des données pertinentes, structurées et utiles. Il ne s’agit pas uniquement d’informatiser, mais de connecter intelligemment.
Du concept à l’impact : les ingrédients de la réussite
Ce qui émerge, c’est une vision claire des conditions du passage à l’échelle :
- Un pilotage territorial fort (groupements hospitaliers, ARS, CPTS, élus)
- Des outils partagés et interopérables
- Un modèle économique incitatif (au-delà de la T2A)
- Des indicateurs lisibles pour piloter la valeur créée
- Une responsabilisation de tous les acteurs : soignants, institutions, citoyens
Et maintenant ?
La coordination territoriale et la responsabilité populationnelle ne sont plus des notions émergentes : elles prennent racine sur le terrain, guidées par des résultats concrets, des besoins partagés et une volonté collective de transformation.
Le chemin vers un système plus préventif, plus fluide et plus équitable est déjà engagé. Les conditions de réussite sont connues : un pilotage clair, des outils partagés, des modèles de financement adaptés, une mobilisation collective.
Il ne s’agit pas de réinventer, mais de renforcer ce qui fonctionne, valoriser les initiatives locales, et mettre en cohérence les moyens, les outils et les ambitions.